Radio - Podcast
LA GRANDE TABLE D'ÉTÉ par Sébastien Thème
"Tout sur mon père"
On n'a pas fini d'en entendre parler : la figure du père continue d'investir les imaginaires des fils, de la littérature au cinéma. Pour en parler, le cinéaste Jean-Pierre Améris et l'écrivain Barthélémy Desplats.
Jean-Pierre Améris, réalisateur, à l’occasion de la sortie en salles de Profession du père le 28 juillet
Barthélémy Desplats, écrivain, auteur de L’élégant (Grasset)
Il est omniprésent dans leurs deux oeuvres comme une figure à la fois fondatrice et obsédante. Il s'agit bien du père : celui de l'écrivain Sorj Chalandon, adapté au cinéma par Jean-Pierre Améris et interprété par Benoît Poelvoorde. Il y a aussi le père de Barthélémy Desplats, au centre de son roman, L'élégant (Grasset) : un père mutique, absent à lui-même et aux autres, qui ne parvient à se confier qu'après plusieurs verres de rosé. Qu'ils soient omniprésents et menteurs comme le père de Sorj Chalandon ou absents et mutiques comme celui de Barthélémy Desplats, les pères constituent une figure à la fois imposante et impossible à saisir, que l'on tente sans cesse cerner.
"Les pères, ce sont d'abord des figures, des postures parfois imposantes. Et il arrive un moment où l'on a envie de voir ce qu'est réellement cette figure". (Jean-Pierre Améris)
Passer par la fiction, c'est aussi s'autoriser des pas de côtés et donner vie à une réalité alternative. Donner une chance aux pères de quitter le mutisme qu'ils traînent comme un boulet, de se confier, de s'épancher.
"Mon père à moi n'était pas tout à fait comme celui que je décris dans mon roman. Mon histoire a constitué une matière première que j'ai ensuite dépassée : le père fait dans le livre des confessions qui n'ont jamais eu lieu. Dans la réalité, il y avait beaucoup plus de silences, de pudeur aussi. J'ai beaucoup parlé avec mon père sans que nous ne nous disions jamais rien de concret. "(Barthélémy Desplats)
"Le Jean-Paul Belmondo de L'as des as, de Pierrot le fou ou d'A bout de souffle a été comme un père idéal. Mon père était souvent absent : à la place il y avait ce mec viril avec ce grand coeur, capable de prendre un petit sous son aile pour le protéger." (Barthélémy Desplats)
La démesure de ses pères, leur absence ou leur trop plein d'émotions posent aussi la question des traumatismes, d'une amertume quasi héréditaire qu'on se transmettrait de père en fils. Une amertume qui conduit le réalisateur Jean-Pierre Améris à dire qu'il ne se sentait pas capable d'avoir des enfants lui-même.
"Les hommes comme celui que l'on peut voir dans mon films sont des personnages plein de ressentiment. Ils sont en guerre, pleins de frustrations et d'amertume, leur dégoût d'eux-mêmes, ils le projettent sur les politiques, les autres. Ils gueulent perpétuellement sur le monde et reportent cette colère qu'ils portent sur leur famille, dans laquelle ils se créent un empire. Ils font régner à l'intérieur du foyer une loi qu'ils ne parviennent pas à faire appliquer ailleurs." (Jean-Pierre Améris)
"On hérite des frustrations de nos pères, de leurs déceptions, aussi. Moi, j'ai peur de faire des enfants: je n'ai pas envie de reproduire un schéma." (Jean-Pierre Améris)